vendredi 29 janvier 2010

Que faire pour aider


L'effusion de l'aide canadienne à Haïti nous amène à réfléchir sur la manière d'éviter de telles catastrophes dans les pays les plus démunis.

Lorsque la nouvelle de ce terrible tremblement de terre en Haïti est tombée, les Canadiens n’avaient qu’une seule question en tête : que puis-je faire pour aider?

La réponse fut aussi rapide qu'impressionnante. En date du 25 janvier, la population canadienne a fait don de 80 millions de dollars pour appuyer l'aide d'urgence et les efforts de reconstruction. Dans les 24 heures, le gouvernement avait débloqué 5 millions de dollars et dans les 48 heures suivantes plus de 80 millions de dollars accompagnés d'une subvention de contrepartie à tous les dons individuels.   Le Canada a également envoyé des équipes de secours, l'équipe d'assistance en cas de catastrophe (DART) et du personnel militaire. Moins de deux semaines après le séisme, le Canada a convoqué une réunion des ministres des Affaires étrangères et des principaux acteurs multilatéraux, à Montréal, pour préparer pour une conférence de printemps sur la reconstruction d'Haïti.

Il est vrai que le Canada possède une longue histoire avec Haïti et que le pays est le plus important bénéficiaire de l'aide internationale canadienne juste après l'Afghanistan, et que cela a joué un rôle sur notre capacité d'intervention. De plus, Montréal héberge l'une des plus importantes diasporas haïtiennes. La majorité des organismes de développement et d'aide humanitaire sont présents dans le pays depuis plusieurs décennies. Nous connaissons bien le pays et sa population.

Nous pouvons nous réjouir de la réponse canadienne. La population canadienne a fait preuve de compassion. Mais de plus en plus les Canadiens se demandent également : « sérieusement, que peut-on faire pour aider. »

Comme un éditorial du Globe and Mail le faisait remarquer en janvier : « avec une promesse de dons qui se chiffre en millions de dollars et plus de 10 000 ONG sur le terrain, ce n'est pas les bonnes intentions qui manquent. »  Les éditorialistes et la population canadienne cherchent à savoir ce que les catastrophes de cette ampleur peuvent nous enseigner sur l'avenir du développement.

Lors de catastrophes naturelles, ce sont les plus pauvres et les plus marginalisés qui sont les plus violemment touchés. Et parmi les plus pauvres se sont souvent les femmes et les enfants qui en font les frais.

Ce désastre est d'autant plus aigu que la plupart des Haïtiens vivent dans la pauvreté chronique et désespérée. Comme Peter Hallward du Guardian l'a remarqué très justement : « la pauvreté et l'impuissance sont la cause de la magnitude de la tragédie haïtienne ». Avec moins de 2 dollars par jour, les Haïtiens n'ont pas la possibilité de s'armer contre les catastrophes telles que les tremblements de terre avec des maisons à l'épreuve des secousses sismiques.

La pauvreté en Haïti, tout comme la pauvreté dans les pays où CCI travaille en Afrique occidentale, Afrique australe ou en Amérique du Sud, n'est pas due au hasard, mais bien à des décennies d'exploitation et d'oppression par des nations plus riches. Une histoire qui se poursuit encore aujourd'hui avec les règles commerciales mondiales qui favorisent les pays riches et leurs producteurs tout en dévastant les économies nationales des pays en développement; le remboursement des dettes invalidantes qui détournent des ressources qui pourraient être utilisés à construire des infrastructures et de services solides;  d'imposer des conditionnalités et qui de surcroit contraignent les gouvernements à réduire leurs investissements dans les services publics essentiels comme la santé et l'éducation.

S'il est essentiel que nous appuyions les organismes sur le terrain en nous efforçant de répondre aux besoins immédiats, nous devons également nous pencher sur la manière dont notre aide publique au développement et notre politique étrangère, aujourd'hui et dans les années à venir, pourraient permettre de développer et de renforcer la résilience locale.

Un moyen important pour atténuer les catastrophes comme le tremblement de terre d'Haïti est d'investir dans la résilience des personnes et de leurs institutions. Les efforts de reconstruction nécessitent de soutenir un gouvernement indépendant et souverain qui garantit que les droits fondamentaux soient respectés et que les citoyens soient habilités à réclamer leurs droits.

La situation en Haïti comme pour d'autres États fragiles sera sans doute examinée par les dirigeants du G8 et du G20 lors de leur sommet au Canada plus tard cette année.   Les organisations canadiennes de la société civile, dont Carrefour canadien international, sont à pied d'œuvre pour essayer de rencontrer les chefs de gouvernement, s'assurer que les engagements passés seront honorés, renouveler et renforcer les stratégies de  réduction de la pauvreté, avec un accent particulier sur l'investissement dans les programmes pour les femmes et les enfants. Nous exerçons des pressions pour que le gouvernement offre une assistance aux pays à faible revenus pour faire face aux effets du changement climatique et engager une réforme profonde du système financer mondiale pour aider tous les pays à se remettre de la crise économique.   Mardi dernier, il nous a semblé que le message venait de rentrer.   Dans un éditorial daté du 26 janvier, le premier ministre a reconnu d'une part « qu'on ne devrait pas prendre une catastrophe naturelle pour tourner notre attention vers les moins fortunés », et d'autre part « que les plus pauvres ont été les plus durement touchés par le ralentissement économique mondial et qu'en ces temps difficiles nous devrions répondre à leurs besoins pressants. »  Il a déclaré qu'en tant que président du G8 en 2010, le Canada se fera le fer de lance d'une initiative majeure pour améliorer la santé des femmes et des enfants dans les régions les plus pauvres du monde.

L'engagement du Canada à jouer un rôle de premier plan sur quelques nouveaux projets d'aide internationale est le bienvenu, reste qu'une partie de la population se demande d'où viendront les fonds.    Actuellement, le Canada ne consacre que 0,32 % de son revenu national en aide au développement. C'est moins de la moitié du 0,7 % que nous avons promis de donner.   Lors des sommets internationaux à venir et lors de l'annonce du budget au Canada, ce sera l'occasion d'assumer nos engagements passés et de clarifier notre vision de l'avenir. Ajoutez votre voix à ces efforts et faites savoir à nos parlementaires que les Canadiens se soucient profondément de ces questions et nous croyons que le Canada peut et doit jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration et l'application de politiques qui renforceront les droits humains et soulagerons les souffrances de milliards de personnes qui vivent aujourd'hui dans l'extrême pauvreté.